dimanche 10 janvier 2010

Les chiffres

Les chiffres…. Quelque soit leur but, ils sont partout, rassurants ou au contraire effrayants.

Avant la grossesse, on se focalise sur le nombre de cycles écoulés sans œuf fécondé. On calcule le jour de l’ovulation. On prend sa température. On pense à son âge, et plus il est élevé plus on considère nos chances de grossesse à la baisse.

A peine enceinte, on fait de savants calculs pour déterminer le jour de la conception, et on se rue sur internet pour trouver la date du terme, qui devra impérativement être confirmée par le gynéco (voir message plus bas).

Cette fameuse DPA (= date prévue pour l’accouchement) paraît bien anodine, quelle joie de visualiser une date à laquelle notre bout de chou nous aura rejoint. Mais pour ma part, je suis pour l’abolition de la dpa. Elle est génératrice de stress et d’erreurs. Stress pour les parents, erreurs de la part des médecins. Car non, la date donnée par l’échographie n’est pas fiable. Et puis elle ne tient pas compte des différences individuelles.

La grossesse dure EN MOYENNE 280 jours depuis la date des dernières règles. Pourquoi dire «vous allez accoucher le 15 octobre » ? Ça n’a aucun sens. Il vaudrait mieux dire « votre bébé naîtra courant du mois d’octobre, dès qu’il sera prêt à venir » !

Quelle pression quand arrive la date fatidique ! Surtout les derniers jours, quand l’entourage téléphone 15 fois par jour « alors, toujours pas accouché ? ».

Et que dire alors quand la date est dépassée ? La réjouissance commence à se teindre d’angoisse, savamment entretenue par le médecin, qui commence à parler de provocation. Alors que si ça se trouve, à soi-disant J+ 5, on est en fait à J-7 ! Mais comment savoir ? A quoi se fier sinon à nos ressentis ? Et que vaut un ressenti face au savoir médical ? Certes, les vrais dépassements de terme, ça existe aussi. Un bébé qui commence à souffrir parce que le placenta arrive en bout de course, ça peut arriver. Mais il y a des moyens de le savoir. Par exemple, on peut établir le score de Manning, qui permet d’évaluer le risque de souffrance fœtale : on mesure, par échographie, les mouvements du bébé, ses mouvements respiratoires, son tonus, la quantité de liquide amniotique, ainsi que son rythme cardiaque. On fait une interprétation de ces cinq paramètres, ce qui permet de savoir si le bébé peut rester au chaud encore quelques jours, ou si il y a urgence qu’il naisse.

Alors une femme qui se trouve « en terme dépassé » et dont le gynéco veut sur ce seul prétexte déclencher l’accouchement devrait fermement refuser, et, tout aussi fermement, exiger un score de Manning. Une provocation est un acte très violent auquel on ne devrait avoir recours quand ce n’est vraiment plus possible de faire autrement. Mais le choisir par convenance ou sur une simple supposition, jamais.

Les chiffres, on pourrait en mentionner encore beaucoup. Ceux qui déterminent l’épaisseur de la nuque du bébé et qui peuvent faire suspecter une trisomie. Ceux qui indiquent le poids lors de la pesée mensuelle (vous avez pris beaucoup trop de poids madame). Ceux du test O’Sullivan, qui mesure la glycémie et le risque de diabète gestationnel (hop, au régime sinon vous aurez un bébé mutant de 7 kg).

Et aussi, le taux de fer, la quantité de liquide, le tour de ventre, la longueur du fémur, les taux de ceci et de cela dans les urines etc. … etc.

Je ne dis pas que toutes ces mesures sont inutiles, non. Mais il devrait peut-être être laissé au libre jugement de la mère ceux qu’elle pense adéquat pour elle et son bébé.

La première fois que j’étais enceinte, on m’a pris 3 tubes de sang, sans m’expliquer pourquoi. J’ai juste eu droit aux résultats. J’aurais voulu que le médecin me dise « voilà, il y a tous ces tests possibles, on les fait pour telle raison, desquels souhaitez-vous bénéficer ? » J’aurais voulu qu’il me parle de la trisomie et me demande ce que je souhaiterais faire en cas de résultat positif, avant de me balancer dans quel taux de risque je me trouvais.

Bref. Tout ça pour dire qu’à force de baigner dans tous ces chiffres, on finit par en perdre tout sens commun.

Mais ce qui me hérisse le plus, ce qui me fait bondir d’indignation, c’est un médecin qui annonce à sa patiente à 38 SA qu’il va falloir provoquer l’accouchement, car son bébé est gros et si on attend, il ne passera pas…

Quel terrible message à entendre ! Deux constats d’échecs à avaler : primo, la femme n’est même pas foutue de fabriquer un bébé dans la norme, deuxio, et en plus, elle ne sera pas capable de le mettre au monde naturellement ! C’est grave !

Alors il y a deux cas de figure : soit la provocation est mise en place très rapidement, avec de fortes « chances » qu’elle se termine en césarienne (ben oui, à 38 SA bébé peaufinerait bien encore un peu les détails, et puis le col n’est pas forcément favorable).

Soit le médecin va vouloir que sa patiente passe une radio-pelvimétrie, c’est à dire que son bassin va être mesuré. Car si ça se trouve, cette incapable a en plus un bassin de schtroumpf. Selon les résultats, on va soit lui dire que ce sera une césarienne « car le bébé ne passera jamais par là », soit que ça peut aller. Après avoir entendu tout ça, dur dur de laisser arriver le jour de l’accouchement avec confiance…

Sauf que la taille du bassin ne laisse pas présager de sa mobilité, facteur essentiel pendant l’accouchement ! Un bassin peut être petit, mais très mobile, et l’inverse est aussi vrai.

Mais en fait, le problème n’est pas là. Le problème est qu’aujourd’hui, dans la majorité des maternités, on ne sait plus ce qu’est un accouchement physiologique. La plupart des naissances se passent sous péridurale et la femme est de ce fait allongée sur le dos. Voilà ici réunies les conditions idéales pour compliquer le plus efficacement possible l’accouchement.

Le bébé naît, et la femme accouche. Il y a deux protagonistes, qui ont besoin de pouvoir travailler en équipe. Une fois la femme sous péridurale, le bébé n’a qu’à se débrouiller pour trouver son chemin, aussi difficile soit-il rendu par la position de sa mère et la baisse de tonicité de ses muscles utérins.

Dans ces conditions, le risque que le besoin d’intervention médicale se présente augmente considérablement (perfusion d’ocytocine, ventouse, forceps, césarienne…)

Alors quelque part, je comprends que les médecins se sentent concernés par le poids du bébé et la taille du bassin de la mère. Déjà dans des conditions optimales il y a de fortes chances que la mère ne puisse pas mettre au monde son bébé sans aide, mais si en plus le bébé est réellement gros, et si le bassin est réellement très étroit, alors oui, c’est une indication de difficultés supplémentaires, qui inquiète bien naturellement le médecin.

Les chiffres. D’abord on s’inquiète pour le taux de fer, puis on finit par s’inquiéter de sa capacité, fondamentale, essentielle, à mettre au monde ce bébé que l’on a porté tout ce temps, car on nous annonce qu’il est trop gros.

Malheureusement, cela ne s’arrête pas là. Une fois qu’il a atterri dans nos bras aimants, malgré toutes les peurs et les projections négatives, ça recommence : pas assez de lait, ne reprend pas son poids de naissance assez vite, n’a pas pris assez de poids d’une pesée mensuelle à l’autre etc…. etc…

Moi je dis, quel parcours du combattant d’être parent aujourd’hui !

Et vous, quels chiffres vous ont fait peur ?

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