samedi 29 août 2009

Là où commence la déconnexion

Je parlais plus bas de ces parents si déconnectés de leur enfant qu'ils en sont à ignorer leurs appels les plus élémentaires. Mais pourquoi et comment une grande partie de la société en est-elle arrivée là?

Loin de moi l'idée de plancher sur une grande étude psycho-sociologique. Je remonterai simplement jusqu'au début de la grossesse. Ou peut-être un tout petit peu avant, quand survient le désir d'enfant.

Depuis quelques dizaines d'années, nous, les femmes, avons le contrôle de notre corps et de notre fécondité. Depuis l'apparition de la pilule et les débuts du féminisme, c'est "un enfant si je veux, quand je veux". C'est bien, la libération. Plus besoin de mettre au monde 8, 10 ou 12 enfants.

Seulement, le revers de la médaille est que l'enfant, quand il est voulu et désiré, prend une toute autre importance. Il devient beaucoup plus précieux. On l'attend impatiemment et s'il met du temps à s'installer, c'est souvent une grande source d'angoisse, encore plus forte quand il y a des fausses couches.

Alors voilà, quand il est là, enfin, que peut-être il y a des nausées, les seins qui deviennent douloureux et surtout quand la deuxième petite ligne bleue apparaît, c'est l'extase. On va avoir un bébé! Mais souvent, avec la joie vient la peur, une peur savamment entretenue par le corps médical. Probablement pas volontairement, non, mais néanmoins de manière très efficace.

Quel est le premier réflexe d'une femme, après avoir jeté à la poubelle le fameux test? Appeler son gynéco, connu aussi sous le nom de gygy (cf les nombreux forums maternité qui cohabitent sur le net). Car tant que la grossesse n'a pas été technologiquement confirmée, il ne faut pas trop se réjouir...

Le rendez-vous est pris, et la femme/le couple s'y rend, fébrile. Et là, le médecin, symbolisant la puissance dans sa blouse blanche, va implicitement transmettre le message suivant: "Moi, avec mes connaissances et ma grosse machine petit bijou de technologie, je vais vous dire si oui ou non vous êtes bel et bien enceinte". Tant que ce rituel n'aura pas été accompli, le doute subsistera.

Et voilà comment commence la dépossession insidieuse de la compétence de la femme, de la confiance qu'elle peut avoir en ses ressentis.

Je parle en connaissance de cause, pour avoir effectué exactement ce parcours, la première fois. Le jour de la première écho est arrivée, j'étais allongée sur cette table dans une pièce sombre, le regard accroché au visage du médecin, allant anxieusement de l'écran à lui, à la recherche d'un sourire, de quelque chose qui me rassure.

Et c'est alors qu'il me sort: "Bah, je peux pas vous dire si c'est vivant, c'est trop tôt on ne voit rien". Et pan, prends-toi ça dans la gueule ma p'tite dame. "Faut revenir dans une semaine".

Et là, le monde s'effondre. J'étais arrivée pleine de joie et d'espoir, anticipant le bonheur de la déclaration tant attendue "Félicitations madame, vous êtes enceinte et c'est pour le x".

Durant la semaine qui a suivi, j'étais triste, déprimée et si angoissée du prochain rendez-vous. Peu importe si mon corps continuait à m'envoyer des signaux, les nausées toujours aussi présentes, les seins si sensibles, je n'étais plus enceinte, parce que je n'osais plus y croire.

Une semaine plus tard, on voyait un petit clignotant sur l'écran, un petit coeur en plein développement. Maintenant, j'ai une magnifique fille de 9 ans à la maison, mais pendant une semaine de sa vie, je n'ai pas cru en elle, ni en moi.

Tout cela pour dire que se déconnecter de son bébé, ça commence tôt. Ça a un côté rassurant de tout remettre dans les mains du médecin. Il assure à la barre, alors rien ne peut m'arriver. Pourtant, la femme a absolument toutes les compétences nécessaires pour être le plus parfait capitaine de son navire, avec lequel elle pourra accoster dans une contrée bienfaisante pour y déposer en douceur son bébé.

Cette première écho est une sorte de rituel dans nos sociétés modernes, car des rituels en ce qui concerne la maternité, nous en manquons cruellement. Mieux que rien? Pas sûr. Les effets secondaires de l'écho pourraient d'ailleurs faire l'objet d'un prochain billet.

Mais ce n'est pas tout! Une fois passée la première étape, d'autres attendent la future mère. C'est un véritable parcours du combattant: les tests d'urine, les prises de sang, la pesée mensuelle, les mesures du bébé, de la quantité de liquide amniotique, de sa position... Chaque rendez-vous devient une source de stress non négligeable. Sans commune mesure avec celui ressenti quand il y a un bug, avéré ou non (tiens, un autre sujet à développer).

Attention, je ne suis pas en train de prôner un refus total de tout contrôle autour de la grossesse. Mais je suis pour une responsabilisation de la mère/du couple. Qu'on leur présente une liste de tous les tests (y compris les échos), en expliquant à quoi ils servent, avec une description exhaustive des pour et des contre, et en leur demandant à la fin s'ils souhaitent en bénéficier ou non. Qu'on leur parle comme à des adultes doués d' intelligence et donc de la capacité à comprendre ce qu'on leur dit. Qu'on leur permette de faire des choix en connaissance de cause.

Pour finir, je souhaiterais que le plus grand nombre soit au courant qu'un suivi de grossesse peut parfaitement se faire avec une sage-femme. Je pense que cela devrait être la norme, et que le recours au médecin devrait avoir lieu seulement quand il y a suspicion de pathologie.

Si l'entourage conforte la future mère dès le départ dans ses compétences personnelles et qu'aucun parasite ne vient la faire douter, cela aura une forte et positive répercussion sur sa relation future à son enfant.

Sûr que si dès le début on lui a permis de rester centrée sur ce qui se passe en elle plutôt que de l'inciter à se focaliser sur des écrans, chiffres, courbes, elle ne laissera pas son bébé hurler à la mort dans sa poussette...

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